Mardi 13 septembre
Bonifacio (France / Corse)
Le réveil sonne. Il est 7 heure. Petit déjeuner et habillage en vitesse. Le taxi de Anne l’attend à 8h pour l’emmener à l’aéroport de Figari. Bye bye Anne ! Merci d’être venue vivre quelques jours de notre aventure.
Bon, voilà… Je me retrouve seule à la station de taxi. La voiture de Anne vient de l’emmener. Je rentre au bateau mais je sens bien que la joie des derniers jours m’a quittée. C’est l’heure du coup de blues.
C’est toujours difficile de quitter la famille et les amis après avoir partagé de beaux moments avec eux mais là, une autre sensation vient se greffer à celle-ci. Nous sommes mardi et nous avons prévu de quitter Bonifacio jeudi matin, dans une journée et demi. C’est trop tôt pour moi. S’éloigner de ce port, c’est s’éloigner de la France pour plusieurs mois et se rapprocher de la suite de l’aventure qui me fait encore peur : les premières nuits complètes sur le bateau, la fin de connexions internet et téléphoniques simples et rassurantes, l’organisation des assurances hors Europe, la traversée qui se dessine. Bref, l’inquiétude prend le dessus aujourd’hui et je n’ai envie de rien.
Je profite de ces instants de doute pour vous faire partager un texte fort intéressant sur le sens du voyage. Il est tiré du livre d’Eric-Emmanuel Schmitt « La nuit de feu ». Merci à Mamou de me l’avoir fait découvrir. Il pose des mots sur mes émotions.
« Ma conception du voyage avait changé. La destination importe moins que l’abandon. Partir, ce n’est pas chercher, c’est quitter proches, voisins, habitudes, désirs, opinions, soi-même. Partir n’a d’autre but que de se livrer à l’inconnu, à l’imprévu, à l’infini des possibles, voire à l’impossible. Partir consiste à perdre ses repères, la maîtrise, l’illusion de savoir, et à creuser en soi une disposition hospitalière qui permet à l’exceptionnel de surgir. »
Bref, pour moi qui suis la reine du contrôle, c’est super flippant mais tellement vrai !
Après la grosse journée de visite d’hier, nous avons prévu aujourd’hui de rester tranquillement au bateau pour jouer, faire l’école, ranger, réparer…. Nous parlons beaucoup aussi avec Simon. C’est toujours le même questionnement qui revient : serons-nous capables d’aller plus loin et de traverser ? Nous décidons de ne pas nous précipiter et de nous attarder un peu plus longtemps au port de Bonifacio pour nous sentir prêts mais aussi pour rester cachés car un gros coup de vent est annoncé pour la fin de la semaine.
J’appelle un peu au secours Christel de la famille Kernen car ces émotions ne sont pas très constructives si elles durent trop longtemps. Elle sait trouver les mots justes pour me rassurer : continuer à voyager par étape comme nous le faisons jusqu’à présent et voir au jour le jour. Pas d’inquiétude pour la suite du projet car nous ne nous en sortons pas si mal pour des personnes avec si peu d’expérience de la voile.
Nous profitons d’une météo clémente pour que je monte au mât (cette fois-ci tout en haut) afin de détacher l’étai largable qui s’est cassé à cause d’une maltraitance de notre part. En effet, ce gros câble qui sert de façon occasionnelle à hisser d’autres voiles pour nous adapter aux différentes conditions météorologiques est fixé juste au-dessous de notre génois. Cela nous casse les pieds pendant nos navigations car nous ne pouvons faire nos virements de bord et nos empannages correctement et sommes contraints d’enrouler le génois à chaque manœuvre. Nous l’avions donc fixé ailleurs mais le câble, à force d’être manipulé, a fini par céder. Nous devons donc l’enlever du mât et l’amener à un professionnel pour y sertir une nouvelle pièce. En 15 minutes c’est chose faite. On devient efficaces !
Nous décidons d’aller visiter Porto Vecchio et ses environs demain. Simon va donc louer une voiture à Europcar tandis que je prépare notre excursion. La soirée se termine tranquillement nettement moins morose que la veille.