Mardi 27 septembre
En Mer (traversée Sardaigne / Baléares)
14h : départ ému du port de Alghero sans difficulté. La pompe à essence est fermée jusque 15h. Tant pis, nous partons quand même. Simon a fait le presque plein la veille et a prévu un bidon de 22 litres supplémentaire au cas où. Pour deux jours, ça devrait amplement suffire. Malheureusement, notre speedo est à nouveau en rade. Pour une raison qui nous échappe, la roulette qui se trouve sous le bateau et qui mesure notre vitesse se bloque dès que nous passons plus de deux jours sans bouger. Ainsi, à peine partis, nous cherchons déjà un mouillage pour réparer ce dysfonctionnement. Heureusement, il y en a un tout près du port et nous jetons l’ancre sans tarder. Simon revêt son maillot de bain et se sacrifie pour faire le plouf salvateur qui permettra de relancer la roulette. Il est 15h, le speedo refonctionne, il est vraiment l’heure de partir.
Les émotions sont assez confuses. Je ressens à la fois de l’anxiété et de l’excitation. Nous avons bien préparé les deux jours à venir mais on ne sait jamais. Nous ne sommes pas encore complètement au point sur tous les équipements liés à la sécurité et à la survie. Il nous faudra absolument prendre le temps de voir cela en détail avant de partir pour des traversées plus longues.
Le vent nous est très favorable aujourd’hui. Il oscille entre 14 et 20 nœuds nous permettant de monter fréquemment à une vitesse de plus de 6,5 nœuds (et même jusque 7,9) sans chercher à pousser le bateau grâce à une confortable allure de travers. Cependant, après plusieurs journées passées sur une mer calme, retrouver de la houle est peu agréable. Mon estomac et celui des enfants le ressentent rapidement et nous voici tous les 4 en léthargie plus ou moins profonde tandis que Simon parvient à gérer seul les manœuvres, le parcours, la cuisine, la vaisselle et toutes les autres petites tâches quotidiennes. Bravo à lui !
A 17h, les enfants commencent à se chamailler. Ils se grimpent les uns sur les autres et chahutent bruyamment. Lors de l’une de ses attaques surprises sur Nino, Samuel est déséquilibré par une grosse vague et est prêt à tomber à l’intérieur du cockpit. Pour éviter la chute, il s’accroche comme il peut à son frère. Malheureusement, sans le vouloir, il se met à tirer sur le cordon qui déclenche le gonflage automatique du gilet de sauvetage. Le gilet de Nino commence donc à se gonfler enserrant fortement le cou du pauvre petit gars qui se demande si ce gilet, même s’il le sauve de la noyade, ne va pas finir par le tuer par strangulation. Les chamailleries cessent sur le champ et font place à un fou rire général. Il faut savoir que, depuis le début de notre aventure, le gonflement de ces gilets de sauvetage muni d’une mini bombonne de gaz restait une grande inconnue et nous laissait perplexes quant à leur efficacité. Nous avons à présent la preuve que les gilets fonctionnent. Nous rassurons donc le petit Samuel tout penaud de sa bêtise et lui expliquons que, finalement, sa boulette est un mal pour un bien. Après quelques minutes de torsion et quelques cheveux arrachés, Nino est ravi d’être enfin libéré de l’emprise du gilet. Cela dit, nous sommes en navigation et nous nous empressons de lui en enfiler un autre tout neuf.
La suite de la navigation se passe sans difficulté. Le vent continue à souffler avec de bonnes rafales inattendues. Nous préférons donc réduire la voilure pour passer une nuit tranquille. Nous mettons deux ris dans la grand voile (= réduction de la toile grâce à des cordages spécifiques) et nous enroulons le génois.
Les enfants vont se coucher juste après le coucher du soleil. Ce fameux coucher du soleil sur la mer que, soit dit en passant, nous n’avons toujours pas vu à cause des nuages bas !!!!! Grrrrrr et regrrrrrrr !! Nous avions mis tant d’espoir dans cette première nuit de traversée pour nous régaler des derniers rayons du soleil sur l’horizon !!! Dommage. On croise les doigts pour demain.
Nous changeons de quart toutes les deux heures afin que l’un de nous puisse se reposer tandis que l’autre veille. Les quarts de nuit signifient un bon équipement : ciré indispensable car les nuits se refroidissent vite et sont assez humides et gilet de sauvetage obligatoire.
Pour moi, les nuits sont assez angoissantes. Ayant la vue fortement amputée, les autres sens se mettent en éveil et notamment l’ouïe. Chaque son est analysé et traité afin de savoir s’il est normal ou non : le vent dans les voiles, le bruit des vagues, les boiseries du bateau qui grincent, la baume qui cogne lors d’un mouvement de houle trop important. Cependant, cela n’empêche aucunement les enfants ou Simon de dormir même si, pour ma part, cette expérience reste stressante.
Durant la nuit, Nino se réveille pour aller vomir puis se rendort aussitôt. Simon prend le dernier quart de 5h à 7h et assiste en solo au lever du soleil sur la mer. Nous avons survécu à notre première nuit en mer !! Alléluia !
Mercredi 28 septembre
En mer (traversée Sardaigne / Baléares)
Samuel et moi nous réveillons barbouillés ce matin. Le vent a un peu chuté et nous ressortons le génois. La houle est toujours là et nous la prenons de travers ce qui est fort désagréable. La journée se passe tranquillement entre coupage de cheveux, tentatives de pêche, jeux, école, lecture et dodos. Après ma sieste de l’après-midi et l’ingurgitation de quelques gouttes de Stugéron (médicament espagnol contre le mal de mer, merci Christel !), je me sens beaucoup mieux et je vis ma deuxième partie de journée dans une humeur bien plus joyeuse. Nous n’avons pas le courage de nous laver et décidons donc de rester sales jusqu’au lendemain. Je vois déjà les yeux exorbités de ma sœur quant à notre niveau d’hygiène !
Le vent chute petit à petit. Nous relâchons donc les deux ris et décidons de garder le génois pour la nuit. Malheureusement, le vent est complètement arrière nous empêchant de progresser rapidement et faisant faseiller nos voiles dès la moindre vague. Nous décidons de modifier notre cap afin de prendre le vent de travers pour aller plus vite et avoir les voiles bien gonflées quitte à faire des empannages et plus de route.
Et là, oui là, juste à ce moment-là, l’instant que nous attendons depuis 2 mois arrive enfin : il est alors 19h20, nos espoirs se transforment en un vigoureux cri de victoire : nous assistons enfin à notre premier coucher de soleil sur la mer. Alléluia bis !!
Après grande bouffée de satisfaction, nous entamons les quarts. Adam tient à participer et reste avec son papa pendant plus d’une heure. Cette seconde nuit se passe sans encombre. La voie lactée est grandiose! Nous apercevons quelques bateaux de temps à autre et Simon a la chance de voir des étoiles filantes mais oublie de faire un vœu (non mais, où a-t-il la tête celui-là ??!!).
Jeudi 29 septembre
En mer / Marina de Mahon (Minorque / Baléares / Espagne)
A 5 heure du matin, en passant le relai à Simon, nous décidons d’empanner avant de nous éloigner trop de la côte.
A 7h, le vent tombe complètement et Simon décide de mettre le moteur. Nous serons au moteur jusqu’à la Marina de Mahon où nous arrivons à 11h. Alléluia ter !! Nous sommes arrivés au bout de notre première mini traversée. Le bilan est mitigé : pas facile pour certains et une partie de plaisir pour d’autres mais, malgré tout, nous sommes fiers de nous. Nous passons la fin de la journée entre douche, école, balade et office de tourisme et repartons pour la soirée sur le bateau où les enfants ne tardent pas à tomber dans les bras de Morphée.
Vendredi 30 septembre
Marina de Mahon (Minorque / Baléares / Espagne)
Nous décidons de ne pas bouger de la journée pour récupérer et faire quelques achats et l’école aux enfants. Il pleut. Ce doit être le cinquième ou le sixième épisode de pluie depuis notre départ. C’est à chaque fois le même rituel lorsqu’un invité est attendu ou repart. Normal alors! Jef, le papa de Simon, arrive demain. Rien à signaler sur cette calme journée qui se termine par un petit dessin animé regardé tous ensemble : Madagascar 1.
Bravo le club des 5,
continuez de profiter, de partager et de nous faire partager tous ces instants magiques.
Et maintenant que vous avez fait une « nav » conséquente, plus la peine d’écrire grosse navigation de 45 miles pour la suite.
Je regrette de ne pas avoir assisté à l’épisode du gilet. Je vous embrasse fort et j’ai hâte de vous retrouver.
Après la nuit de quart dans les étoiles, après le coucher de soleil, après toutes ces premières, prochain objectif un poisson. Nom de d…. de b….. de m….. !!!
Sympa de vous suivre. J’ai eu l’occasion de faire un peu de voile pendant mes voyages humanitaires au Sénégal (de Dakar jusque dans le Siné Saloum). ensuite, nous étions hébergés sur ces mêmes voiliers durant notr mission, et nous allions travailler – en bateau- dans 2 ou 3 villages. Pas d’autres moyens de passer de village ne village que les bolons, pas de route. En lisant la citation d’Eric Emmanuel Schmitt, j’ai pensé à celle qui est écrite au Cercle de Voile de Dakar, et qui est de Nicolas Bouvier :
« Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait pas comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en nous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. »
En tout cas, heureuse de suivre votre périple, j’ai lu tout depuis le début ! Expérience inoubliable, et qui marqueront vos enfants ..
Demain je passe à Bourdon …
Bises à vous 5
merci de nous faire naviguer avec vous!
pas assez de photos, pour rêver…Alléluuuuiiiiiaaaaa!!!